Laurent-Dominique Fontana

Fils d’un magistrat à la cour d’assise de Genève, Laurent Dominique Fontana commence sa formation artistique en 1958 à l’Ecole d’architecture de Genève et la termine en 1962 à l’Ecole des Beaux-arts de la même ville avec le Prix de la jeune peinture. En 1962, Prix Calame et début de l’enseignement artistique: il est assistant de 1962 à 1964, puis, de 1964 à 1974, professeur de sculpture à l’Ecole des Beaux-arts de Genève. Il obtient en 1965 et 1967 la Bourse Lissignol-Chevalier à Genève, qui lui permet des séjours d’étude à New York.

En 1974-75, deux voyages d’étude le conduisent d’abord à travers les Amériques, puis la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Pologne (rencontres importantes avec Magdalena Abakanovicz et Tadeusz Kantor) et l’URSS, aux conséquences artistiques radicales. Le sujet de ces voyages, une étude comparative des arts plastiques et des architectures entre pays capitalistes et communistes, aura pour effet la formation d’une conscience politique et l’abandon, dans son travail artistique, du beau pour le beau. Dorénavant, ses créations sculpturales pencheront vers la représentation de la vulnérabilité de l’être et sa confrontation à la violence. La tension entre le bien et le mal provoquera nombre de sculptures empreintes de douleur et de volupté.Suite à ces voyages, il crée en 1975 une section préparatoire « Expressions artistiques » à l’Ecole supérieure d’art visuel (ESAV) à Genève. Il reçoit la Bourse fédérale en 1982. En 1991, le suicide de sa fille provoque une série d’œuvres noires. Il abandonne l’enseignement en 1992 et s’installe à Cartigny . En 1999, son atelier brûle, détruisant une partie de sa production artistique. La même année, rencontre avec Hélène Upjohn. Toujours en 1999, il crée l’évènement en réalisant 600’000 empreintes de mains d’enfants pour le Palais des Nations à Genève. Suivront en 2004 des installations de sculptures-cadavres sous le titre Provenances Tchétchénie à Genève, La Chaux-de-Fonds et Bâle. De 2003 à 2008 nombreux concours, projets et installations, souvent à caractère politique (notamment Rwanda 1994 en 2005). Parallèlement, il réalise de grands voyages au Moyen-Orient et, avec le photographe Jean-Yves Geisel, au Japon.

Les œuvres de la première période, de 1962 à 1974, se ressentent de sa formation architecturale et se caractérisent par une mise en énergie géométrique d’intérieurs d’immeubles publics (Intégration N° 6, 1973, Bâtiment des travaux publics, Genève, aujourd’hui détruit). Mais dès la crise artistique liée à ses voyages, Fontana « plongera dans l’humain », comme il dira plus tard. Cette seconde période artistique court de 1975 à aujourd’hui avec des corps sculptés en bois ou en pierre, souvent seuls et qui témoignent de la fragilité de la condition humaine, de la solitude aussi, voire de la violence à laquelle l’humain est soumis dans la société. Ainsi, le grand grès coquillier Sans titre de 1981 met en évidence l’enfermement des corps dans le carcan qui les entoure. L’amour, seul échappatoire à la douleur, est la thématique de nombre d’œuvres, comme dans Couple où deux êtres aimants, beaux, sensuels, gisent dans l’eau (1986, La Perle du Lac, Genève).

Fontana a créé de grands ensembles sculpturaux notamment pour des expositions importantes comme Bex & Arts, à laquelle il participe depuis 1981. Jardins suspendus de Babylone (1993) met ainsi en scène des corps monumentaux, anonymes, blessés dans un ensemble de 25 mètres. Mais sa conscience politique s’aiguise au fil des ans et les grandes tueries de notre société le harcèlent, comme avec Provenance Tchétchénie, œuvre à classer sans doute parmi les actions artistico-politiques majeures de l’art suisse en ce début du XXI^e siècle.

Œuvres: Lausanne, Musée Cantonal des Beaux-Arts; Neuchâtel, Musée d’art et d’histoire. Chêne-Bourg, Mairie, Le Bois des Aulnes, 2004, chêne; Genève, Bureau international du travail, Le Grand anneau, 1998, plaques en béton armé avec empreintes de mains et d’outils d’enfants au travail; Neuchâtel, Théâtre du Passage, Résonance, 2000, sculptures en chêne et paroi aux reliefs en béton armé; La Tour-de-Trême, Eglise Saint-Joseph, Tu es pierre…, 1998-99, mobilier liturgique en calcaire de Comblanchien et madone en bois de tilleul; Verbier, Le Tombey, La Pierre des songes, 2007, plaques en béton armé autour d’un bloc de moraine.